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Savoir-vivre: le code de la civilité

In Moeurs on 31 December 2011 at 10:29

Extrait tiré du livre Larousse Ménager. Publié avec la collaboration de R.-E.-Jeanne Chancrin et de nombreux techniciens. Paris: Librairie Larousse, 1955.

Connaissance des usages du monde; art de rendre faciles et agréables les relations sociales. Le savoir-vivre allège, par la politesse et l’urbanité des manières, les obligations auxquelles chacun est astreint en société et qui constituent le code de la civilité.

Il importe surtout d’éviter ces deux grands écueils: l’embarras et la prétention; et la meilleure règle, en toute occasion, est d’agir le plus simplement et le plus naturellement possible.

L’aisance dans le maintien est une qualité qu’il faut s’efforcer de conquérir ou de conserver; l’allure du corps doit être dégagée, les gestes prompts, mais mesurés, la démarche alerte, la tête haute, sans raideur et sans affectation.

On ne s’assied ni tout au bord de la chaise ni tout au fond du fauteuil; on s’accoude sans nonchalance, et on ne se balance pas sur son siège.

(…)

En entrant dans un salon, on salue d’abord la maîtresse de maison; ensuite les personnes de l’assistance. Pour une visiteuse, les dames présentes peuvent saluer sans se lever, quand il s’agit d’une femme plus jeune ou du même âge qu’elles, mais les hommes doivent quitter leur siège jusqu’à ce que la nouvelle venue soit assise. On ne part pas, bien entendu, sans prendre congé des maîtres de maison.

A un repas, il est aussi d’usage, en dehors d’un cercle très intime, de se soulever de sa chaise, si une femme ayant dû quitter la table un instant y revient, en faisant le geste de  déplacer sa chaise pour l’aider à se rasseoir, si l’on est placé à ses côtés; on ne doit jamais rester assis quand la maîtresse de maison (ainsi que toute femme, ou un homme plus âgé que soi) vous offre une tasse de café ou une cigarette, par exemple; les jeunes filles comme les jeunes gens ne s’assiéront qu’une fois la maîtresse de maison elle-même assise, à table comme au salon.

Au début d’un repas dépassant le cadre de la stricte intimité, la maîtresse de maison doit s’empresser de s’asseoir et d’indiquer les places à chacun de ses invités; ceux-ci, et spécialement les femmes, servies en premier, attendront qu’elle ait porté sa cuiller ou sa fourchette à la bouche pour attaquer le premier plat. Il est poli, au cours du repas, ou à la fin, d’avoir une phrase aimable montrant que l’on apprécie les mets offerts.

Généralement, lorsqu’on se rend pour la première fois chez un ménage, on fait porter auparavant, ou, à la rigueur, on apporte avec soi un bouquet de fleurs auquel, dans le premier cas, on a joint sa carte de visite. Une femme seule, invitée ainsi chez un ménage, peut très bien envoyer le jour suivant des fleurs à la maîtresse de maison ou, alors, avoir apporté des bonbons pour les enfants s’il y en a dans la maison. En tout les cas, il est tout à fait indiqué, s’il s’agit d’une première invitation, de téléphoner le lendemain pour remercier la maîtresse de maison.

Dîner de la famille Cyprien Vézeau à Ste-Claire de Colombourg en Abitibi (1955)

Les clubs et cercles: Initiations sportives

In Sports on 29 December 2011 at 15:00

Extrait tiré du livre Les Annales politiques et littéraires, tome quatre-vingt-cinquième. Article de Victor Forbin. Paris: Rédaction et Administration, 1925.

D’après une statistique que je recueille dans une publication de Boston, le nombre des femmes américaines affiliées à un club quelconque (politique, littéraire, sportif ou simplement mondain) représenterait 62,4 pour cent de la population féminine des Etats-Unis.

La proportion de nos clubistes et cercleuses de France n’est pas près d’atteindre un chiffre aussi impressionnant. Mais il faut toujours se méfier des statistiques et se demander, avant tout, ce qu’elles signifient exactement.

Or, celle que nous venons de citer ne signifie pas que les deux tiers de la population féminine américaine passent leurs soirées dans un local où les cartes et le mah-jong leur feraient oublier le foyer maternel ou conjugal. Et cette remarque me fournit l’occasion d’expliquer que les Américains applique le terme «club» à des associations qui n’ont aucun rapport avec le «cercle».

Je ne citerai qu’un seul cas, à titre d’exemple. Il n’est point de ville américaine où ne fonctionnent plusieurs Christmas Clubs, dont les membres versent chaque semaine, entre les mains du trésorier, une cotisation déterminée.

Quelques jours avant la Noël, les fonds ainsi réunis sont partagés entre les adhérents, qui les emploient à l’achat de provisions qui leur permettront de célébrer dignement, en famille, la grande fête religieuse … et gastronomique.

D’autres clubs fonctionnent de même façon pour couvrir les frais d’une villégiature annuelle, et la même explication peut s’appliquer à toutes les associations de ce genre: n’ayant pas l’esprit d’économie, les Américains prennent sagement leurs précautions pour n’être pas pris au dépourvu, si bien que de pareils clubs devraient plutôt être appelés des … tirelires!

Mais revenons à notre pays et à nos photographies, gracieux documents que nous avons promis de publier sans en préciser l’origine. Qu’il nous suffise de dire qu’ils nous font pénétrer dans un véritable club de jeunes filles qui poursuivent en commun la pratique de sports exclusivement féminins, en ce sens que les brutalités du football et autres exercices d’endurance sont exclus du programme.

Sous la direction de monitrices volontaires, les débutantes apprennent la façon correcte de tenir la raquette de tennis et le club de golf. Dans l’éducation d’une sportive, les premiers gestes sont d’une importance quasi tragique, car un mauvais début peut valoir une petite déception d’amour-propre qui se traduira par un gros découragement. Une bonne monitrice doit donc ménager l’enthousiasme sportif de ses élèves en les préparant aux épreuves futures par un entraînement progressif et rationnel. En outre, elle commettrait une grave erreur si elle n’imposait pas à ses élèves certains exercices d’assouplissement. Les adhérentes du gracieux club qui nous occupe ici apprennent à bondir par-dessus une corde tendue, simple exercice que  beaucoup de ferventes de la raquette ont le tort de mépriser. Que de défaites sont attribuables à une insuffisance de légèreté dans le saut en hauteur, quand le coup décisif rate la balle sur un écart de quelques centimètres!

– Victor Forbin.

1925 Bathing Beauty Parade Long Beach/Balboa, California

Signification de la chevelure

In Beauté on 11 December 2011 at 09:18

Extrait tiré du livre Vos cheveux publié par Josette GhedinMontréal: Les Éditions de l’homme, 1971.  De la collection de Thérèse.

Si nous nous référons aux coiffures s’accordant avec les métiers, nous parvenons à des classifications intéressantes. L’infirmière, la garde-malade, l’assistante sociale, la serveuse, la nurse, etc., portent toujours des coiffures conventionnelles. En plus d’une coiffe qu’elles peuvent placer sur leurs cheveux, courts ou rassemblés en chignon, elles portent des frisures bien disciplinées, des couleurs discrètes. La mode a peu d’emprise sur ces coutumes. Ce sont des raisons aussi logiques que: l’oubli de la sexualité, l’aspect fonctionnel, pratique et hygiénique, la recherche de l’uniformité, le rappel de la fonction plutôt que le caractère de l’individu, qui sont à l’origine de ces habitudes.

La coiffeuse, l’esthéticienne, la cosméticienne, enfin toutes les personnes apparentant au domaine de la mode ou de l’esthétique se signalent par des audaces et des originalités dans leur coiffure — les teintes sont plus vives, les lignes adoptées plus séduisantes et surtout plus «up-to-date». Par ce signalement, elles montrent à la «masse» le côté avant-gardiste de la mode.

L’hôtesse, la vendeuse, la secrétaire, la réceptionniste, en général les personnes chargées des relations humaines recherchent l’impeccabilité. Il faut que leur tenue soit irréprochable afin de plaire, sans pour cela … séduire.

La ménagère est moins préoccupée de l’apparence de sa coiffure mais elle soigne la santé de sa chevelure. A ceci, il y a des exceptions: de bonnes et de moins bonnes. Signalons qu’une ménagère d’un niveau social modeste n’est pas toujours bien jugée lorsqu’elle outrepasse certaines limites. Nous nous expliquons. Il existe encore des endroits, des milieux où une femme d’ouvrier aborant une chevelure ultra-décolorée, une coiffure extravagante, est qualifiée de femme de «petite vertu».

Lorsque la femme occupe une fonction plus couramment attribuée à l’homme telle que celle d’avocat, d’ingénieur, d’architecte, de professeur, elle garde à sa coiffure un aspect plus naturel. Cela rend sa collaboration professionnelle plus asexuée et sans doute plus efficace!

Suisse: les onze premières conseillères nationales et Lise Girardin, première conseillère aux Etats (1971)

La Vie d’affaires

In Moeurs, Profession on 10 December 2011 at 18:23

Extrait tiré du livre Convenances et bonne manières: Le code moderne du savoir-vivre  publié par Berthe Bernage. Paris: Éditions Gauthier-Languereau. 5e édition. 1953. De la collection de Thérèse.

Pour les femmes de tous les âges, de tous les milieux, qui travaillent si nombreuses aujourd’hui, bien des questions se posent, rendues plus délicates par le mélange des deux sexes.
La femme doit adopter dans une large mesure l’état d’esprit masculin. Elle travaillera avec exactitude, sérieux et méthode.

La femme et ses chefs. — Qui a droit au respect, la femme employée ou ses chefs?
Ceux-ci, comme chefs, ont droit à la déférence, à la docilité. Celle-là, comme femme, a droit qu’on la traite avec courtoisie. Le chef peut attendre qu’elle la salue: il saura pourtant prendre les devants s’il s’agit d’une employée méritant par son âge, sa situation, sa valeur, des égards spéciaux. Le chef tendra la main le premier, s’il le juge à propos.
La travailleuse doit maîtriser sa susceptibilité, s’attendre à recevoir des ordres.
Elle doit être très attentive à sa réputation, qui pourrait être compromise par l’attitude d’un chef. La coquetterie est vite encouragée et peut entraîner loin.

La femme et ses camarades. — Pas d’amitiés engagées à la légère entre compagnes de bureau, d’atelier. Tout en montrant beaucoup d’affabilité, de complaisance, tenez-vous sur la réserve, parlez peu de vous et de votre vie familiale.
Entre garçons et filles, c’est le ton de camaraderie simple et courtoise qui convient. Pas de propos équivoques, messieurs. Et vous, mesdemoiselles, soyez plus discrètes pour vous poudrer, vous farder, vous recoiffer.
Si vous voulez avoir une attention gentille pour vos camarades, rendre une politesse, mieux vaut inviter à un goûter au dehors ou à une séance de théâtre ou de cinéma, que d’amener trop vite chez vous des inconnus ou inconnues.
Et n’écoutez pas les petites médisances, les «on-dit» sur tels ou telle de vos compagnons de travail. Soyez à votre affaire: c’est cela qui convient.

Pour solliciter un emploi. — Si vous le faites par lettre, écrivez à la main, car l’écriture donne de précieuses indications sur l’éducation, le caractère, l’ordre, le soin. Mais si on demande que ce soit dactylographié, conformez-vous à cette préférence. Signez à la main. Récrivez à la machine nom et adresse au bas du feuillet.
Enumérez brièvement, nettement vos titres, vos capacités, les références que vous pouvez fournir.
Si vous vous présentez en personne, ayez une tenue très correcte, seyante, mais discrète. Ne tendez pas la main. Ne vous asseyez pas avant qu’on vous y invite. Répondez avec sincérité et précision aux questions qui vous seront posées. Ne cherchez à tromper ni sur votre âge, ni sur vos capacités. N’ayez l’air ni intimidé, ni effronté. La simplicité est la meilleure attitude.
Quand votre interlocuteur se lèvera, vous saurez que l’entretien a duré suffisamment.

"School for Teachers. Ames Iowa Tribune photo published September 5, 1953. Teachers went to school Friday. Above are a few who attended the discussion group led by Everett Ritland. "

Traitement préventif contre l’indigestion

In Santé on 5 December 2011 at 06:49

Extrait tiré du livre Remèdes de famille pour tous les maux publié par Dr. John E.Eichenlaub. Traduction de A Minnesota Doctor’s Home Remedies for Common and Uncommon Ailments. Montréal: La Collection Huminitas. 1967. De la collection de Thérèse.

Ayez une conversation intéressante

Une conversation intéressante et de bon goût facilite la digestion. Le secret est d’amener vos amis à parler d’un sujet qui les intéresse et les stimule. Un de mes amis les plus éminents m’avoua qu’il devait son succès au fait qu’il ne lit que les passages les plus frappantes des journaux du matin, sachant ainsi quel sujet il doit traiter s’il va dîner avec un de ses amis.

C’est tout ce qu’il faut pour éviter une période de silence embêtante. Vous n’avez qu’à demander à votre mari s’il pense que Stan Musial vaut le salaire qui lui est accordé, soit $100,000. Aiguillez la conversation sur un sujet qui intéresse aussi votre compagne; ainsi, les robes devraient-elles être longues ou courtes cet été etc… Il ne vous faudra que quelques minutes tous les matins pour lire les en-têtes des journaux et vous faire ainsi une bonne provision de sujets intéressants.

Infirmière australienne, Vietnam. 1967.

Conseils aux femmes: la tenue vestimentaire

In Mode on 3 December 2011 at 10:56

Extrait tiré du livre Visages de la politesse publié par Thérèse Thérieault. Fides, Montréal et Paris, 1961. Approuvé par le Ministère de l’Éducation le 9 février 1967. 4e édition. De la collection de Thérèse.

CODE

Respectez les gens de votre entourage, même si vous êtes jeune; ne leur imposez pas la vue d’une tenue débraillée.

Méfiez-vous des costumes excentriques, surtout si vous dépassez la quarantaine; ils soulignent précisément ce que vous désirez cacher.

N’essayez pas de ressembler à la dernière reine de beauté; son genre n’est peut-être pas le vôtre.

Bannissez ces chapeaux extravagants qui s’harmonisent mal avec vos traits; les plus beaux sont souvent les plus simples.

Mariez avec goût chapeaux, gants et souliers; ce détail importe pour l’ensemble.

Utilisez votre garde-robe à bon escient; évitez l’erreur de porter, le midi, une toilette conçue pour le soir.

Ne revêtez pas pour vos travaux de ménage la robe que vous porterez demain pour recevoir des amis; chaque robe en son temps.

Ne vous promenez pas en robe-soleil dans les transports en commun ou sur la rue: ce serait manquer de dignité et d’à propos.

Sachez discerner travail et loisir; ne vous rendez pas au bureau, mademoiselle, les jambes nues dans des sandales.

Soyez décent en tous lieux et toutes occasions; l’élégance y gagnera.

Ne portez pas des chandails trop étroits; n’attirez pas les regards et vous ne serez pas insultée.

N’exagérez pas vos décolletés; ils ne sont pas synonymes de chic.

Choisissez des maillots de bain décents et discrets.

Ne portez pas de «shorts» pour circuler dans les rues; la modestie et la convenance les interdisent.

Jan Rose Kasmir affronte le American National Guard au Pentagon lors d'une manif anti-Vietnam. 1967.

Le train et l’avion

In Moeurs on 1 December 2011 at 08:10

Extrait tiré du livre Savoir Vivre publié par Françoise de Raucourt. Paris: Éditions des deux coqs d’or, 1964, 152 p. De la collection de Thérèse.

Le train:

Ne foudroyez pas du regard l’homme qui ne se précipite pas pour mettre vos bagages dans le filet. Il est courtois de le faire mais, s’il ne le fait pas, demandez lui son aide avec le sourire.

N’envahissez pas les filets en y étalant vos bagages.

Ne choisissez pas un compartiment de fumeurs si l’odeur du tabac vous incommode. Dans les autres, que la personne qui fume s’assure que personne n’y voit d’inconvénient, sinon, qu’elle aille fumer dans le couloir.

Si vos enfants ont la bougeotte, installez-vous du côté du couloir. Prévoyez de quoi les occuper pendant le voyage. S’ils sont vraiment insupportables, ne les laissez pas crier ou se battre dans le compartiment: faites-les sortir.

Si vous apportez un pique-nique, évitez le saucisson à l’ail et le munster, prenez plutôt des sandwiches enveloppés de cellophane. Mangez discrètement, sans étaler vos papiers gras, ni salir le compartiment

Vous devez vous incliner de bonne grâce si quelqu’un demande à fermer la fenêtre, même si vous étouffez. La loi protège les frileux.

Ne pas demander l’extinction des lumières avant vingt-trois heures.

Ne gardez pas d’un bout à l’autre du voyage une place qui vous aura été cédée par une personne bien élevée.

Ne montez pas sur la banquette et, si vous y étendez vos jambes, recouvrez-la d’un papier.

Ne vous endormez pas sur l’épaule d’un voisin et ne le contraignez pas, par diverses manoeuvres de poussée, à n’occuper que le quart de sa place.

L’avion:

Se munir d’un remède contre le mal de l’air.

Adressez-vous toujours à l’hôtesse ou au stewart en les appelant Mademoiselle ou Monsieur. Si vous avez besoin d’aide ou d’un renseignement, ne leur donnez pas de pourboire, mais remerciez-les avec amabilité.

Abstenez-vous de fumer le cigare et respectez scrupuleusement les consignes.

Ne semez pas la panique dans l’avion en perdant votre sang-froid au moindre bruit suspect.

Ne confiez pas à des amis qui voyagent en avion des paquets lourds et volumineux qui leur vaudraient un excédent de bagages.

Hôtesse de l'air, Southern Airways, 1964

 

Je fus leur second enfant …

In Famille on 13 November 2011 at 14:03

Extrait des Mémoires de Mme Rolland. Deuxième édition. Publié à Paris par Baudoin Frères. 1821.

«Madame Roland, Jeanne – Marie ou Manon Philipon, fille d’un graveur parisien, elle prit feu pour les idées nouvelles et devint, de mémoire d’homme, la première femme chef de parti (…) Madame Roland sera conduite, avec d’autres élites du parti Girondin à l’échafaud où elle sera guillotinée (le 8 novembre, 1793 à Paris). Invoquant la liberté objet de sa foi, ses dernières paroles furent : O liberté, que de crimes on commet en ton nom. »
source

Je fus leur second enfant: mon père et ma mère en eurent sept; mais tous les autres sont morts en nourrice ou en venant au monde, à la suite de divers accidens, et ma mère répétait quelquefois avec complaisance que j’étais la seule qui ne lui eût jamais donné de mal, car sa délivrance avait été aussi heureuse que sa grossesse; il semblait que j’eusse affermi sa santé.

Une tante de mon père choisit pour moi, dans les environs d’Arpajon, où elle allait souvent en été, une nourrice saine et de bonnes moeurs , que l’on estimait dans le pays, d’autant plus que la brutalité de son mari la rendait malheureuse, sans altérer son caractère ni changer sa conduite.

(…)

La vigilance de ma nourrice était soutenue ou récompensée par l’attention de mes bons parens; son zèle et ses succès lui méritèrent l’attachement de ma famille. Elle n’a jamais, tant qu’elle a vécu , laissé passer deux ans sans faire un voyage de Paris pour venir me voir: elle accourut près de moi lorsqu’elle apprit qu’une mort cruelle m’avait enlevé ma mère.

(…)

La sagesse et la bonté de ma mère lui eurent bientôt acquis , sur mon caractère doux et tendre, l’ascendant dont elle n’usa jamais que pour mon bien. Il était tel, que , dans ces légères alternatives inévitables entre la raison qui gouverne et l’enfance qui résiste, elle n’a jamais eu besoin, pour me punir, que de m’appeler froidement mademoiselle, et de me regarder d’un œil sévère. Je sens’ encore l’impression que me faisait son regard , si caressant pour l’ordinaire ; j’entends en frissonnant ce mot de mademoiselle, substitué, avec une dignité désespérante , au doux nom de ma fille, à la gentille appellation de Manon. Oui, Manon, c’est ainsi qu’on m’appelait; j’en suis fâchée pour les amateurs de romans: ce nom n’est pas noble; il ne sied point à une héroïne du grand genre; mais enfin c’était le mien, et c’est une histoire que j’écris.

Madame Rolland

Les mœurs et la société ont tellement changé depuis la Révolution…

In Moeurs on 10 November 2011 at 21:29

Extrait de Journal d’une femme de cinquante ans:1778-1815, journal intime de Henriette Lucy Dillon, Marquise de La Tour du Pin. Rédigé entre 1820 et 1853. Publié à Paris en 1906.

«Le manuscrit du Journal d’une femme de cinquante ans fut, à la mort de l’auteur, recueilli par son fils, Aymar, marquis de La Tour du Pin. Celui-ci le légua à son neveu, Hadelin, comte de Liedekerke Beaufort, qui le confia lui-même, peu de temps avant de mourir, à l’un de ses fils, le colonel comte Aymar de Liedekerke Beaufort.

Ce manuscrit a paru suffisamment intéressant pour mériter d’être imprimé, tout au moins pour en assurer la conservation définitive.

Puissent ces volumes consacrer le souvenir de la marquise de La Tour du Pin et être considérés comme un témoignage de filiale affection offert à sa mémoire par l’un de ses descendants.»

Les mœurs et la société ont tellement changé depuis la Révolution que je veux retracer avec détail ce que je me rappelle de la manière de vivre de mes parents.

(…)

Il n’y avait jamais à cette époque de grands dîners, parce que l’on dînait de bonne heure, à 2 heures et demie ou à 3 heures au plus tard. Les femmes étaient quelque fois coiffées, mais jamais habillées pour dîner. Les hommes au contraire l’étaient presque toujours et jamais en frac ni en uniforme, mais en habits habillés, brodés ou unis, selon leur âge ou leur goût. Ceux qui n’allaient pas dans le monde, le soir, ou le maître de la maison, étaient en frac et en négligé, car la nécessité de mettre son chapeau dérangeait le fragile édifice du toupet frisé et poudré à frimas. Après le dîner on causait: quelquefois on faisait une partie de trictrac. Les femmes allaient s’habiller, les hommes les attendaient pour aller au spectacle, s’ils devaient y assister dans la même loge. Restait-on chez soi, on avait des visites tout l’après-dîner et à 9 heures et demie seulement arrivaient les personnes qui venaient souper.

C’était là le véritable moment de la société. Il y avait deux sortes de soupers, ceux des personnes qui en donnaient tous les jours, ce qui permettait à un certain nombre de gens d’y venir quand ils voulaient, et les soupers priés, plus ou moins nombreux et brillants. Je parle du temps de mon enfance, c’est-à-dire de 1778 à 1784. Toutes les toilettes, toute l’élégance, tout ce que la belle et bonne société de Paris pouvait offrir de recherché et de séduisant se trouvaient à ces soupers. C’était une grande affaire, dans ce bon temps où l’on n’avait pas encore songé à la représentation nationale, que la liste d’un souper. Que d’intérêts à ménager! que de gens à réunir! que d’importuns à éloigner! Que n’aurait-on pas dit d’un mari qui se serait cru prié dans une maison parce que sa femme l’était! Quelle profonde connaissance des convenances ou des intrigues il fallait avoir! Je n’ai plus vu de ces beaux soupers, mais j’ai vu ma mère s’habiller pour aller chez la maréchale de Luxembourg, à l’hôtel de Choiseul, au Palais-Royal, chez Mme de Montesson.

À cette époque il y avait moins de bals qu’il n’y en a eu depuis. Le costume des femmes devait naturellement transformer la danse en une espèce de supplice. Des talons étroits, hauts de trois pouces, qui mettaient le pied dans la position où l’on est quand on se lève sur la pointe pour atteindre un livre à la plus haute planche d’une bibliothèque; une panier de baleine lourd et raide, s’étendant à droite et à gauche; une coiffure d’un pied de haut surmontée d’un bonnet nommé Pouf, sur lequel les plumes, les fleurs, les diamants étaient les uns sur les autres, une livre de poudre et de pommade que le moindre mouvement faisait tomber sur les épaules: un tel échafaudage rendait impossible de danser avec plaisir. Mais le souper où l’on se contentait de causer, quelquefois de faire de la musique, ne dérangeait pas cet édifice.

Henrietta-Lucy Dillon

La rupture du lien

In Mariage, Moeurs, Statut légal on 15 October 2011 at 19:43

Extrait tiré du livre Philosophie familiale publié par Jean-Baptiste Gauvin, L.Ph., D.Th. Montréal. 1959. De la collection de Thérèse.

Il y a des mariages qui aboutissent en fait au malheur des époux et qui nuisent à la bonne éducation des enfants. Tout en admettant l’indissolubilité du mariage comme loi générale, n’y aurait-il pas lieu d’admettre le divorce pour certains cas malheureux et d’accorder à certains époux le bonheur auquel ils ont droit?

Réponse — 1) Le droit de l’homme au bonheur terrestre n’est pas un droit absolu, inconditionné. L’homme a le droit de chercher le bonheur ici-bas, mais dans le cadre des institutions nécessaires au développement du genre humain.

La famille est l’une de ces institutions. Elle doit être organisée selon la formule la plus favorable au bien de l’enfant et des époux, soit selon la loi de l’indissoluble unité.

2) La question importante n’est pas de savoir si tous les individus humains trouveront le bonheur parfait dans la vie conjugale, mais de savoir si le mariage indissoluble est la forme la plus favorable au bien de l’humanité. Trouver d’ailleurs une forme d’organisation sociale capable de rendre automatiquement tous les hommes heureux est une utopie.

3) Le régime du divorce n’est pas une solution au problème de la vie conjugale. En fait, le régime du divorce n’a pas supprimé les malheurs du foyer. Loin de là: le divorce a contribué à ruiner l’œuvre de la famille; la fécondité a diminué en proportion des divorces; les querelles de ménage ont augmenté; l’adultère s’est multiplié et les actes de violence contre le conjoint n’ont fait que s’accroître. Le remède qu’on proposait a entraîné des maux plus graves que celui qu’il prétendait guérir.

4) Sans doute, là où il n’y a pas de divorce possible, le bonheur et la paix ne sont pas le lot de tous les ménages. Mais, en règle générale, l’on s’engage dans la voie du mariage avec plus de sérieux et de réflexion, on accepte plus facilement les souffrances de la vie commune, on exerce sur ses sentiments un contrôle qui diminue les drames de la vie conjugale.

Il reste que certains foyers présentent le spectacle d’un échec total sur le plan de l’amour humain. Pourquoi dès lors ces malheureuses victimes sont-elles condamnées à subir jusqu’à la mort le poids des chaînes qui les attachent à un être qu’elles ne peuvent aimer et dont elles ne reçoivent pas de tendresse?

C’est que le bien commun de l’humanité, fin première de la famille, doit être préféré au bien individuel.

(…)

Bref, l’indissolubilité offre plus d’avantages que d’inconvénients. Quand l’amour existe entre les époux, elle le protège et contribue à sa purification. Si par hasard, l’amour des époux fait défaut, l’on sauve du moins la société conjugale.

Barbara and Russell Neff, le 17 août 1959. Le couple a fêté 50 ans de mariage en 2009.

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