Extrait tiré du livre Simples conseils pour jeunes filles sur les petites vertus et petits défauts particuliers à leur âge publié par A.B. Paris. 1877.
J’ai entendu souvent des jeunes filles me dire: «A l’école, on nous défend l’amitié ».
Quelle erreur ! Non-seulement on ne vous défend pas l’amitié, ma chère enfant, mais on vous l’ordonne comme un devoir; on vous y invite comme à une vertu excellente à tous égards, comme à la plus belle, à la plus douce des affections divines et humaines.
On vous interdit seulement l’amitié exclusive, aveugle :
1° Parce qu’elle pourrait avoir pour les deux amies des suites funestes que vous ne soupçonnez même pas, faute d’expérience;
2° Parce qu’elle pourrait devenir une cause de jalousie et de haine contre vous de la part de vos compagnes dédaignées, méprisées.
La charité chrétienne veut que vous vous aimiez toutes les unes les autres; mais elle ne condamne pas les sympathies mutuelles.
Si vous aimez dans votre amie une chose mauvaise, votre amitié est mauvaise et vicieuse.
Si vous aimez une chose frivole, comme la beauté, la bonne grâce, votre amitié est frivole.
Si vous aimez une chose bonne, votre amitié est bonne et aimable.
L’amitié doit présenter huit conditions principales :
1° Elle sera fondée sur la vertu, c’est-à-dire que vous aimerez particulièrement (vous voyez que je vous accorde ce mot auquel vous tenez tant) Marie à cause de sa douceur, de sa piété, de son bon caractère; Jeanne, à cause de sa franchise, etc., etc.
2° Elle tendra à la vertu, l’amitié devant souhaiter et procurer le bien de la personne aimée; or la vertu est le plus grand et le plus nécessaire de tous les biens.
3° Elle sera conduite par la vertu, c’est-à-dire que la vertu vous servira de règle; vous ne ferez pour Marie, etc., rien qui offense la religion: autrement, votre amitié, vous portant à aimer une créature plus que Dieu et sa loi sainte, serait détestable, et funeste à votre compagne ainsi qu’à vous.
Ne recherchez donc pas les personnes en qui vous ne reconnaîtrez aucune qualité digne d’amour ; surtout fuyez l’amitié des jeunes filles sujettes à quelque vice, s’il s’en trouvait parmi vous; je pense tout le contraire. L’amie des folles, des orgueilleuses, des menteuses, etc., tombe peu à peu dans la folie, l’orgueil, le mensonge, etc. : on veut toujours ressembler à celles qu’on aime.
Quand vous aurez rencontré une vraie, une sainte amitié, ce que je vous souhaite, mon enfant, du fond de mon coeur, croyez avoir le plus précieux des trésors, et, soyez-en persuadée vos maîtresses ne chercheront pas à vous le dérober. Ce qu’elles interdisent avec raison, ce sont ces liaisons où la paresse s’appuie sur la paresse, la vanité sur la vanité, etc. ; car les vices ainsi réunis doublent leurs forces et deviennent très difficiles à guérir, sans parler du scandale qui, donné par deux élèves, nuit plus que s’il venait d’une seule; sans parler du mauvais esprit, des complots, des cabales qui ruinent toute discipline, nécessitent des punitions générales et d’extrêmes sévérités. L’école cesse alors d’être une grande famille.