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L’Abbé Perrin appuyant le droit de vote des femmes du Québec

In Statut légal on 2 May 2011 at 20:06

Lettre de l’abbé Perrin appuyant le droit de vote des femmes du Québec. La Semaine religieuse de Montréal, 19 décembre 1921, pp. 386-389.

Montréal, le 9 décembre 1921

M. l’abbé ELIE-J. AUCLAIR,
directeur de la Semaine religieuse.

Cher monsieur Auclair,

JE vous serais reconnaissant si vous vouliez bien insérer dans la Semaine religieuse et dans la Revue canadienne les remarques suivantes.

Dans la question du suffrage féminin, il y a trois choses à distinguer avec soin : 1. Une question de principe 2. Une question de fait 3. Une question d’opportunité.

1. Question de principe. – En ce qui regarde la première, il me semble qu’elle se pose ainsi. Les femmes ont-elles droit au vote ? Cette question est controversée. J’ai enseigné, parce que je crois que c’est la vérité, que dans le système de démocratie actuelle, basée sur le suffrage, la femme comme l’homme a droit au suffrage ; que, mariée ou non mariée, elle soutient les charges de l’Etat ; qu’elle a de grands et de mul­tiples intérêts à défendre ; que la priver du droit de vote c’est lui enlever son moyen le plus puissant de défense; que la femme est une personne et. que comme telle elle jouit de l’inviolabilité en ce qui concerne la pensée politique aussi bien que lorsqu’il s’agit de morale et de religion ; qu’en l’excluant des comices électorales, il n’est pas vrai de dire, selon l’axiome démocratique, que la loi qu’elle ne fait pas est l’expression de la volonté générale et que le gouvernement qu’elle ne consent pas est la représentation légitime des gouvernés, etc.

Au moyen âge, les femmes participaient aux élections aux communes et même aux états-généraux, sous l’oeil bienveillant de l’Église, et les actes dans lesquels elles sont intervenues sont sages et universellement réputés tels ; elles ont voté sans nuire à l’accomplissement de leurs devoirs. La résurrection du droit romain avec la Renaissance, puis la Réforme, et l’enseignement répété de Luther ont limité les droits électoraux de la femme; c’est la sauvagerie et la dureté des moeurs révolution­naires qui ont achevé l’abolition des droits des femmes dans la vie publique. Dans les temps modernes, le mouvement féministe a repris et, dans tous les pays civilisés du monde, excepté en France et en Suisse, les droits électoraux leur ont été rendus.

Est-ce que la participation des femmes à la vie publique a entraîné les perturbations domestiques que l’on redoute tant? Au témoignage de nombreux publicistes qui ont suivi attentivement le mouvement social en Europe, en Asie, en Amérique, non, ni dans le passé, ni dans le présent.

Voilà ce que j’ai soutenu sur la question de principe, appuyé sur de graves autorités ecclésiastiques et laïques. Libre à d’autres de soutenir la thèse contraire. La question est ouverte.

2. Question de fait. — J’ai aussi dit publiquement que le suffrage féminin est un bien pour la société et c’est ce point surtout qui a été mal vu d’un grand nombre. Pourtant, le nier serait se montrer singulièrement étranger à l’histoire sociale contemporaine. Il suffit de jeter un coup d’oeil, même superficiel, sur la législation sociale des pays où fonctionne le suffrage féminin pour se convaincre qu’il a été la cause d’un grand nombre de mesures éminemment utiles à la société. Ici surtout les témoignages abondent. Aucun publiciste n’est reçu à les ignorer.

Le cardinal Vaughan, en Angleterre, acquiesçait formellement à la coopération des femmes aux affaires publiques ; Mgr Ireland, dans un discours public disait « qu’il ne faut pas désespérer du monde si les femmes obtiennent le droit de suffrage »; le Saint-Père actuellement régnant a dit « qu’il désirait voir des femmes électrices partout ».

Ces paroles supposent évidemment que le vote féminin n’est pas un mal social. Pour combattre le suffrage accordé à la femme, ce n’est pas au point de vue social qu’il faut se placer, mais au point de vue des principes, du droit naturel ; là, chacun est libre et la dispute serait sans fin.

3. Question d’opportunité. — Enfin la troisième question est celle d’opportunité à laquelle je n’ai touché ni de près ni de loin. Est-il opportun pour les femmes canadiennes et catholiques de se préoccuper des questions politiques actuellement ? La seule autorité compétente pour répondre à cette question est celle de Nos Seigneurs les évêques qui ont charge de nous diriger et à laquelle il nous est doux et facile de nous soumet­tre sachant le lourd fardeau qu’ils ont quelquefois à porter et les angoisses qui souvent accablent leurs âmes.

Agréez, cher monsieur Auclair, l’expression de mon amitié,

L. PERRIN, p. s. s.

Équipe de hockey du groupe d'éducation physique, Montréal, QC, 1921 Wm. Notman & Son

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